Skip to content

Questionnaire pour les élections européennes :

Oui au train de nuit / Back on Track / Stay Grounded

  1. L’aviation étant le mode de transport le plus polluant, que proposez-vous pour que davantage de personnes utilisent le train plutôt que l’avion pour des trajets allant jusqu’à 1000 km dans l’UE et quel rôle les trains de nuit devraient-ils jouer dans ce domaine ?

L’avion est en effet le mode de transport le plus polluant. Il bénéficie actuellement de mesures fiscales qui soutiennent son activité, au détriment des moyens de transport alternatifs plus vertueux. Le kérosène consommé pour le transport aérien n’est en effet pas soumis à la TICPE (taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques) ni à la TVA (pas du tout pour les vols internationaux, 10% pour les vols intérieurs). Cette exonération permet aux billets d’avion d’être en moyenne 12% moins chers, ce qui crée une distorsion vis-à-vis des autres modes de transport et implique parfois que l’avion soit moins cher que le train pour certaines liaisons nationales. Le train est lui soumis à la CSPE (contribution au service public de l’électricité) et à un taux de TVA de 10%. À ce titre, le train internalise toutes les externalités négatives. Ce n’est pas le cas de l’aviation, ce qui introduit une distorsion de concurrence, en faveur du mode de transport le plus polluant.

Pourtant, le kérosène émet 14 à 20 fois plus de CO2 que le train par km parcouru et par personne transportée selon le Réseau Action Climat. La suppression de cette exonération sur les vols domestiques pourrait rapporter 500 millions d’euros chaque année à la France et 3 milliards d’euros si la suppression concernait tous les vols. Cette exonération profite avant tout aux 20% les plus riches : selon le R.A.C., les ¾ des places d’avions sont utilisées par eux.

Nous proposons donc d’instaurer une taxation du kérosène sur les vols domestiques (l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suisse le font déjà), mais également au niveau européen, sur les vols internationaux. Pour cela, une révision de la convention internationale de Chicago est nécessaire (celle-ci précise que le carburant d’un avion ne peut être taxé sur le sol de son pays d’arrivée, ce qui empêche la taxation des vols internationaux). Les recettes fiscales issues de la taxation du carbone et du kérosène devront être consacrées aux modes de transports plus respectueux de l’environnement, notamment au ferroviaire. Elles permettraient de développer l’offre ferroviaire en France et en Europe, en particuler les trajets de longue distance, en subventionnant les Intercités et les trains de nuits, que le gouvernement actuel a réduit. Nous saluons, logiquement, la proposition néerlandaise d’une taxation européenne du kérosène.

En plus du principe pollueur-payeur qu’il faut rétablir, une autre forme de concurrence s’exerce aussi par l’intermédiaire du facteur social. Les modèles low-cost de l’aviation sont sans équivalent dans le secteur ferroviaire. Un encadrement des normes sociales des personnels navigants et du leasing était attendu pendant ce mandat et demandé à plusieurs reprises par les écologistes. La Commission européenne n’a pas donné suite, ce que nous déplorons.

Dans ce cadre, le train de nuit a un rôle important à jouer, car de nombreuses destinations ne peuvent être desservies dans des temps raisonnables en train de jour. Ainsi, à l’exception de certains axes où les lignes à grande vitesse sont déjà existantes, les trajets entre des grandes villes éloignées de 700, 1000 ou 1200 kilomètres prennent toujours plus d’une demi-journée en train de jour.

Le train de nuit devient ainsi une offre alternative particulièrement attractive, permettant de ne pas sacrifier une partie de sa journée. En l’absence de train de nuit, c’est l’avion qui apparaît comme le meilleur compromis confort.

Il permet également une arrivée en centre-ville et une offre de correspondances de fait extrêmement aisées pour prolonger ensuite son voyage vers une ville au-delà de l’arrivée du train de nuit.

  • Que ferez-vous pour assurer l’équité entre les différents modes de transport sur les longues distances ? Ou soutiendriez-vous encore davantage les modes de transport plus respectueux du climat – et comment ?

Au-delà de l’équité, il est nécessaire de favoriser les modes de transport les plus vertueux. Cela doit être atteint par l’instauration d’une fiscalité écologique selon le principe pollueur – payeur : les mobilités les plus polluantes (avion, voiture, camions) doivent être davantage taxées que les mobilités propres, le train et les transports en commun urbains, qui devraient profiter de subventions pour les rendre plus compétitives. 100% des recettes issues de la fiscalité carbone doivent être dédiées à la transition énergétique, notamment aux transports propres. Nous proposons par ailleurs une baisse de la TVA sur les transports en commun, ainsi qu’une baisse des taxes sur le rail, peu polluant mais trop taxé. Pour accélérer cette sortie de la dépendance carbone, nous proposons de stopper les investissements dans l’extraction des ressources fossiles, pour les réorienter vers les énergies renouvelables.

Le rétablissement de l’équité doit se doubler d’une incitation à prendre le train. Celle-ci peut passer par un service public des transports modernisé, notamment pour les Intercités, TER et les trains de nuits. Un service moderne serait alors assuré par un train à haut niveau de service, dans lequel il serait possible de transporter son vélo, travailler, se connecter à un wifi haut-débit, trouver des solutions de mobilité faciles et rapides en gare. La tarification sociale pour les chercheurs d’emploi, les étudiants et les personnes âgées ou en situation de handicap est aussi une des conditions d’attractivité d’un service public ferroviaire rénové qu’il est indispensable de renforcer.

  • Comment jugez-vous le succès de la politique de libéralisation du marché ferroviaire menée jusqu’à présent par l’UE comme moyen d’assurer des liaisons ferroviaires nationales et internationales de qualité ? Êtes-vous en faveur de cette politique ou avez-vous l’intention de défendre une alternative ?

Le 4e paquet ferroviaire, adopté en 2016, achève la politique de libéralisation complète du transport ferroviaire européen. Considérant que cette politique n’améliorera pas le service rendu aux passagers et ne répondra pas aux exigences d’intérêt commun, le groupe des Verts/ALE s’y était opposé. Ce paquet n’offre aucune garantie d’amélioration des services rendus aux passagers et ne prévoit aucune règle contraignante pour que soient respectées les normes environnementales et sociales. Au contraire, il prend la forme d’une libéralisation sauvage qui favorise une concurrence basée sur les prix, au détriment de la qualité du service, des considérations environnementales et sociales. Que deviendront les lignes peu ou pas rentables ? Leur disparition compliquera les objectifs de préservation du climat, alors même qu’elles constituent des alternatives respectueuses de l’environnement. Les employés des opérateurs publics du ferroviaire n’auront aucune garantie que leurs emplois soient préservés, les nouveaux opérateurs n’ayant pas d’obligation de réembauche du personnel des opérateurs publics. Les opérateurs privés ne seront pas non plus tenus de maintenir les tarifications sociales préférentielles pour les étudiants, les chômeurs ou les retraités.

En résumé, pour les grandes lignes, le régulateur ferroviaire devra s’assurer que les nouvelles lignes à grande vitesse ne nuisent pas au bon fonctionnement du réseau régional. Pour les trains régionaux, les autorités organisatrices de services (les Régions) devront s’assurer, même si le règlement européen ne le prescrit pas, que les appels d’offres TER comportent bien tous les garde-fous nécessaires en termes de desserte, de sécurité en gare et dans les trains, et de tarification sociale.

  • Des propositions existent pour un réseau international de trains de jour et de nuit interconnectés à l’échelle européenne (par exemple, le “LunaLiner”) comme alternative aux vols court et moyen-courrier. Que pensez-vous de ces propositions et, si vous les soutenez, que feriez-vous pour les mettre en œuvre ?

Le train de nuit est particulièrement pertinent à l’échelle de l’Europe, où de nombreux trajets dépassent mille kilomètres, rendant les trains de jour peu attractifs. Le développement d’un réseau européen de trains de nuit serait un projet très positif pour l’Union européenne, aussi bon pour le climat que pour la cohésion entre les États membres.

Les écologistes sont prêts à étudier diverses pistes pour que l’Union européenne permette le rétablissement de ce réseau international.

Les écologistes soutiennent également la remise en fonction de nombreuses liaisons ferroviaires transnationales aujourd’hui hors-d’usage et qui seraient pourtant extrêmement utiles si elles étaient exploitées.

  • La Cour des comptes européenne qualifie le réseau ferroviaire européen à grande vitesse de “patchwork inefficace” qui ne permet pas de bonnes connexions au niveau de l’UE (voir rapport n° 19 de la Cour des comptes européenne). Que comptez-vous faire pour améliorer cette situation ?

Le rapport précise qu’il n’existe pas de plan réaliste à long terme concernant le réseau ferré à grande vitesse de l’Union, fragmenté et inefficace, que l’ensemble des lignes nationales n’est pas ou mal connecté, et que les tronçons transfrontaliers ne sont pas une priorité des Etats-membres.

La grande vitesse a longtemps été la grande doctrine ferroviaire française. Elle a produit de très grandes inégalités entre les territoires et généré une immense dette d’exploitation, sans pour autant être accessible à l’ensemble des citoyens. Nous préconisons un gel des projets de développement de la grande vitesse et des grands projets inutiles comme le Lyon-Turin. L’argent ainsi économisé doit être mis au profit d’un grand plan de rénovation national des lignes régionales et Intercités, de l’achèvement de l’électrification des lignes en milieu rural et du renforcement de l’interconnexion entre les lignes conventionnelles.

  • Récemment, les droits des voyageurs ferroviaires de l’UE ont fait l’objet d’un débat. Quelle est votre position concernant l’avenir des droits des voyageurs dans le rail et les autres modes de transport public ? La question se pose notamment pour les services internationaux et les trajets avec des correspondances impliquant plusieurs opérateurs. Les opérateurs devraient-ils avoir la possibilité de refuser une indemnisation en cas d’annulation ou de retard important d’un service en invoquant des “circonstances exceptionnelles” et, dans l’affirmative, comment devrait-on définir ces “circonstances exceptionnelles” ?

La possibilité de refuser une indemnisation sur la base de « circonstances exceptionnelles » comporte le risque d’ouvrir la porte à toute une série d’exceptions, au détriment des droits des voyageurs. Le texte est toujours en discussion. En réformant la directive de 2007 sur le droit des passagers, l’idée est d’améliorer les conditions de voyage pour rendre le transport ferroviaire plus attractif, ce qui implique une meilleure combinaison avec les autres modes de transport comme le vélo, une meilleure information et prise en charge des personnes à mobilité réduite dans les gares et un meilleur barème de compensation en cas de retard ou annulation des trains.

Plusieurs progrès ont été acquis dans le cadre de ce texte. Grâce aux écologistes et notamment à l’implication de Karima Delli, les droits des voyageurs dans le rail ont été renforcés : les vélos vont enfin pouvoir prendre le train et les droits des usagers ont été considérablement améliorés. Si la voix du Parlement européen est respectée, les passagers pourront également réclamer le remboursement de leur billet à hauteur de 50% après une heure de retard, 75% à 1h30 et intégralement dès 2h. Nous regrettons l’absence de volonté de garantir un service adapté aux personnes à mobilité réduite partout dans l’UE. Seules les gares de +10 000 passages/jour (3% des gares de l’UE) disposeront d’une assistance permanente ; ce n’est pas acceptable.

  • Quelle est votre position à propos d’une taxe européenne sur le kérosène ? Et si vous la soutenez, que ferez-vous pour qu’elle soit mise en œuvre ?

Face à l’explosion prévue du trafic aérien, il faudra nécessairement adopter une taxation du kérosène. Échappant à la TICPE et à la TVA, c’est le seul carburant issu du pétrole qui est exonéré de taxes.

Plutôt que d’attendre un vote unanime des 191 états membres de l’OACI (Organisation Aviation Civile Internationale) pour renégocier les accords internationaux, l’Europe peut montrer l’exemple en instaurant une taxation sur les vols intra-européens. L’UE a été pionnière en créant un marché carbone pour ces vols intra-européens, malgré les protestations de l’OACI, et plusieurs États membres taxent déjà le kérosène sur les vols domestiques. Nous devons aujourd’hui aller plus loin, en initiant des accords bilatéraux avec les États qui le souhaitent pour taxer le kérosène sur les vols internationaux.

  • Soutiendriez-vous une interdiction générale des vols court-courriers au sein de l’UE ? Si oui, quelle devrait être la distance minimale pour autoriser les vols ? Si non, quelles autres mesures de limitation des vols court-courriers envisagez-vous de mettre en œuvre ?

Le secteur aérien doit lui aussi atteindre les objectifs de réduction de -70% de CO2 d’ici 2050 : il est illogique d’avoir sorti ce secteur des Accords de Paris. Cette réduction pourrait passer par le soutien aux innovations technologiques engageant l’aérien dans une vraie transition énergétique, mais surtout par la diminution du trafic, et en particulier des vols court-courriers qu’il est nécessaire de limiter. Le bon échelon de contrainte est encore à déterminer, et à chaque fois, une alternative ferroviaire de qualité doit être proposée.

Les vols de nuit, qui posent des problèmes de nuisances sonores, doivent aussi être drastiquement réduits, pour les limiter à de rares vols intercontinentaux.

Il est également indispensable de limiter le développement erratique des aéroports régionaux qui ont poussé ces dernières années, et dont les investissements ont été fortement critiqués par la cour européenne des comptes. Ceux-ci ne servent que certains modèles low-cost qui se livrent à un vrai chantage économique et à l’emploi avec ces régions pour continuer d’exercer leurs opérations.

  • Étant donné que le nouvel accord international CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) et le système communautaire d’échange de quotas d’émission (EU-ETS) ne sont pas suffisants pour lutter contre les émissions de l’aviation, quelles autres mesures envisagez-vous pour réguler l’aviation (par exemple, une taxe sur le kérosène, les billets, la TVA ; un prélèvement pour les grands voyageurs ; un moratoire sur le développement des infrastructures aéroportuaires ; une interdiction de certains vols, par exemple pour les court-courriers, …) ?

La mise en œuvre du CORSIA a fait l’objet d’un accord le 29 juin dernier, les objectifs de réduction ayant fait l’objet d’un accord spécifique à Montréal en 2016 pour lesquels les écologistes avaient marqué leur déception en les qualifiant de « non-COP21 compatible ». Ces nouveaux accords ont en effet consacré les agrocarburants comme source principale de la réduction des émissions de GES avec les objectifs chiffrés suivants :  – 2% pour 2025, – 32% pour 2040 et – 50% pour 2050.

Cet accord, qui pourrait sembler pertinent, s’avère en fait contre-productif dans la mesure où à l’heure actuelle la production mondiale d’agrocarburants est très limitée. Les agrocarburants de 3ème génération ne sont pas encore disponibles à des prix compétitifs avec les carburants fossiles. Fixer de tels objectifs revient donc à organiser la substitution des carburants fossiles des avions par de l’huile de palme.

Ce désaccord sur la compétition entre culture alimentaire et culture à destination des agrocarburants est renforcée par le fait que, en septembre 2015, l’OACI avait pris la décision de limiter les critères encadrant la production d’agrocarburants, en sortant le critère de déforestation par exemple. A cet égard, les écologistes ont aussi fait part de leur inquiétude quant à la Directive REDII. Le Parlement européen avait demandé la sortie de l’huile de palme d’ici 2021, mais les trilogues ont repoussé la mise en place de la mesure pour 2030. Les écologistes réclament que la réduction des émissions telle que fixée par l’OACI ne soit pas portée que par la substitution des carburants fossiles par des carburants alternatifs. C’est pourquoi ils proposent de relancer le ciel unique européen afin d’optimiser la gestion des flux et de favoriser les économies de carburant.

La limitation des émissions de GES du secteur aérien par une stratégie prix passera nécessairement par une internalisation des externalités négatives. Pour ce faire, la fin des différentes niches fiscales dont bénéficie le secteur est indispensable. L’internalisation implique aussi de fait une augmentation des taxes sur les titres de transport, en conformité avec le principe de pollueur-payeur.